Hommage Michel Rocard
Vous trouverez ci-dessous l'hommage que les Régionalistes rendent à Michel Rocard, ainsi que celui de notre ami Herri Gourmelen, ancien élu régional.
Mort de Michel ROCARD : les Régionalistes de gauche rendent hommage à l'homme qui voulait décoloniser les territoires.
Michel ROCARD, qui n'était pas encore secrétaire national du PSU (Parti Socialiste Unifié), prononçât en décembre 1966 à Saint-Brieuc, un discours dans le fil rouge d'une démarche ouverte au printemps 1966 à Grenoble par Pierre Mendès France. Parmi les thèmes exposés : "la valorisation de la société civile et l'approfondissement de la démocratie dans la décentralisation sinon la régionalisation". C'est alors que, trois à peine, après la fin de la Guerre d'Algérie, Michel ROCARD lance le slogan «Il faut décoloniser la province» et édite un ouvrage du même nom (voir en PJ). Le discours et le slogan marquèrent fortement les esprits du temps.
Il fallait oser, en 1966, affirmer que : « L'autorité du préfet est en fait une couverture commode pour l'apathie locale. La reconnaissance du dynamisme régional suppose la disparition de cet alibi. Il faut supprimer la tutelle de l'État et surtout le préfet, institution dont l'équivalent n'existe dans aucun pays avec lesquels nous prétendons rivaliser économiquement. » et plus loin : « Si le point de départ de la réflexion est économique, son point d'aboutissement est institutionnel, c'est à dire, purement politique et par des institutions régionales dotées de l'autonomie et des moyens nécessaires.»
Quelques années plus tard, Michel Rocard mais aussi Louis Le Pensec et Jean-Yves Le Drian..., allèrent témoigner devant les tribunaux en faveur des militants du Front de libération de la Bretagne. Puis les premières étapes de la décentralisation par les lois Defferre dans les années 80, avant le verrouillage constitutionnel de 1992, sans cesse utilisé contre les langues régionales. Et, plus récemment, le ratage de la réforme territoriale... Alors que la Région Bretagne avait proposé une contribution originale à l'acte 3 de la décentralisation et que l'Institut Tribune Socialiste nommait son rendez-vous du 1er avril 2014 : "décoloniser les territoires et les affranchir" * Tout ceci démontrant qu'entre compréhension et hostilité, les forces de gauche ont beaucoup changé sur la question bretonne.
Plus près de nous, dans sa dernière interview accordée au Nouvel Ob's le 10 avril 2016,*, Michel Rocard dénonçait encore les difficultés de la gauche à réformer, à se réformer, et à être à la hauteur de sa mission réformatrice :
"La France est difficile à réformer, et cette question, vieille de cent cinquante ans, ne tient pas qu'à la gauche. Parmi les quelque quarante nations d'Europe, la France est presque la seule à ne pas descendre d'une collectivité linguistique unique. Les armées de ses princes les plus puissants ont su agréger à son corps central cinq cultures (langue régionale et façon de prier confondues) en y imposant un commandement militaire sans légitimité locale. Tout y était décidé du centre et sous forme militaire, rien ne fut jamais négocié.
Ce système enfin abattu et plus violemment qu'ailleurs, la République trouva dans la violence du capitalisme, par la criminelle répression de la Commune, l'occasion de reproduire dans le champ de ses relations sociales la violence qu'elle mettait dans ses relations territoriales"
Les Régionalistes de gauche n'auraient pas mieux dit et font leur ces propos lucides et courageux de Michel Rocard.
Paul MOLAC
Lena LOUARN
Mona BRAS
Texte reçu de notre ami Herri Gourmelen, ancien élu régional, que nous publions bien sûr sur cette page:
Michel Rocard : PSU, PS et Bretagne
C'est en Bretagne, région de forte implantation, et précisément à Saint-Brieuc, la ville des Mazier, Le Foll ... que le PSU organise, en 1966, une journée de débat sur la question régionale (1). Michel Rocard, jeune inspecteur des finances y intervient sous le pseudonyme de Servais. Comme le résumera le professeur de philosophie briochin Jean Bars, en 1973, dans la Revue théorique du PSU« ... certaines prises de décision et certaines initiatives trouvent leur véritable dimension dans la région, surtout quand celle-ci a, comme c'est le cas pour la Bretagne, une base historique et culturelle. La régionalisation est alors une forme de la démocratie directe, un aspect de l'autogestion ».
L'idée d'autogestion défendue par le PSU rejoint l'idée d'autonomie régionale revendiquée par l' UDB. Et à la campagne de l' UDB (créée en 1964) sur le thème « Bretagne=Colonie » répond en écho la brochure de Michel Rocard « Décoloniser la province » qui paraît en 1966. Dans son discours au Congrès PS de Nantes de 1977, cité par l'universitaire Michel Nicolas dans « Breizh - La Bretagne revendiquée », celui qui a rejoint le Parti Socialiste déclare: « La culture la plus typée qui fut longtemps dominante est jacobine, étatique, nationaliste et protectionniste ... l'autre culture qui apparaît dans la gauche française est décentralisatrice, régionaliste, refuse les dominations arbitraires, celle des partons comme celle de l' Etat ». Ce discours, incarné par des responsables comme Louis Le Pensec ou Charles Josselin, est incontestablement à la base des succès du PS en Bretagne.
Même si les lois Defferre de 1982 représentent une avancée incontestable, on ne peut que regretter que par volonté présidentielle - François Mitterrand est un départementaliste « archaïque » (2) et il n'aime guère Michel Rocard - la réforme majeure qu'est la décentralisation ait été confiée au ministre de l' Intérieur et non à celui de l' Aménagement, au grand dam de ce dernier.
je faisais partie de la délégation de l'UDB
lors du Congrès PS de Bourg en Bresse de 1982, Gaston Defferre auquel je dis la déception de l' UDB face à une décentralisation davantage appuyée sur le département que sur la région, me répond: « Vous savez que le président est départementaliste, il a fallu faire une cote mal taillée. Cela étant, on dit qu'il n'y a pas de réforme irréversible, celle-ci en est une; soyez sûr que la droite revenant au pouvoir n'y reviendra pas ».
Herri Gourmelen
Ex responsable et élu de l'UDB

Photo: L' ouvrage "Décoloniser la province", paru en 1966, sous la plume de Michel Rocard, Georges Gontcharrof et Jean Le Garrec du PSU.